Ainsi
donc, le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a dit
oui à la
réforme du calendrier scolaire. La rentrée prochaine aura lieu le
lundi 29 août, les périodes de sept semaines de cours seront
séparées par deux semaines de congés (ce qui double les vacances à
la Toussaint et au Carnaval)
mais le même nombre de jours d’école est
inchangé puisque
l’année s’achèvera
le 7 juillet 2023, ce qui rabote les congés d’été.
Voilà
des décennies qu’on évoque ce système, censé
mieux tenir compte du rythme chrono-biologique des élèves
et
améliorer
dès lors leurs capacités d’apprentissage avec des périodes de
repos plus longues, sauf en été où les neuf semaines du système
seraient
excessives car
elles feraient
oublier une partie des acquis et favoriseraient
le décrochage. Cette
réforme est
aussi présentée comme luttant
contre les inégalités sociales… alors
qu’elle
instaure
une inégalité de traitement. En effet,
la Flandre et la région germanophone gardent l’actuel calendrier
et, fédéralisme oblige, rien ne les force (ce serait même plutôt
la tendance inverse) à l’harmoniser avec celui adopté au sud du
pays. Comme l’enseignement est une compétence des Communautés,
voilà la Fédération obligée de jongler avec deux calendriers
selon qu’il s’agisse de la région germanophone d'une part, du reste de la
région wallonne plus Bruxelles de l'autre. Bonjour la cohérence. La
plupart des vacances (Noël excepté) ne tomberont plus tout à fait
aux mêmes moments
au
nord, au sud et à l’est du pays. Le
secteur touristique se frotte les mains car ça réduira
les périodes creuses. Du
moins en Belgique car à
l’international,
s’il sera plus tentant de choisir une destination lointaine en
octobre ou février, pour les sports d’hiver c’est une semaine en
moins avec le congé pascal repoussé à mai (soit trois semaines
après... Pâques !), et
en
été condenser les vacances sur six semaines risque de faire grimper
les prix. Certains
parents et
enseignants s’arrachent
les cheveux. Ça
va
les
obliger
à
faire coïncider leurs propres congés avec ceux de leur progéniture
s’ils
veulent les
passer ensemble.
Qui gardera
les plus petits la semaine supplémentaire à la Toussaint et à
Carnaval ? Il n’y a pas partout des grands-parents pensionnés,
donc ça fera des coûts supplémentaires alors que toutes les
dépenses explosent déjà.
Quid
des
personnes qui placent leurs
enfants dans
une école qui n’est pas celle de leur langue maternelle, et/ou qui
les inscrivent à des activités (stages, scoutisme,…) dans une
autre région ou communauté que
celle où ils vivent ?
Quid
dans les communes à facilités ? Quid des
profs de néerlandais venant donner des cours en immersion à des
francophones alors qu’eux-mêmes ont des enfants scolarisés en
Flandre, ou inversement ?
Ça
va complexifier
l’organisation de la vie familiale
et ça ne risque pas d’encourager au bilinguisme, ni de
faciliter
les rapports entre un parent concerné
qui
travailleet
son employeur,
sans
même parler des familles recomposées où tous les enfants ne sont
pas dans le même cadre scolaire linguistique.
Une
enseignante témoigne : « Je
ne peux pas choisir mes congés, certes nombreux, mais qui ont
toujours eu l’avantage
d'être alignés avec les autres communautés. Je souhaiterais qu'un
ministre vienne expliquer
personnellement
à mes enfants, scolarisés en Flandre,
qu'ils
passeront désormais leurs vacances en stage et
non
plus
avec leurs parents parce
que son gouvernement a pris une décision au
nom d'études qui ne tiennent
pas
compte d'eux. Je
ressens le message transmis par cette réforme unilatérale comme
très négatif : une
fracture encore plus grande en Belgique, qui
n'apportera rien de positif au final si ce n'est le repli sur soi des
communautés. »
Si
ce
nouveau système n’impactera
pas
la majorité, on paie
une fois encore une conséquence du fédéralisme et on sacrifie
l’équilibre familial de certains, au moins aussi important que
l’école pour les enfants. Un
groupe Facebook baptisé « Pour un calendrier scolaire
unique/Voor
één enkele schoolkalender »
s’est constitué, il compte plus de 3.100 membres.
Déjà,
des
directeurs
d’établissements estiment que c’est « beaucoup de cinéma
pour pas grand-chose », que
ça ne bouleversera les habitudes ni de l’équipe éducative, ni
des élèves (et
donc pas non plus leurs résultats?).
Alors
que le niveau de notre enseignement ne cesse de diminuer, n’y
avait-il pas plus urgent comme réforme ? Ah mais oui, c’est
vrai : celle-ci au moins ne coûte rien… à l’État. Si
c’est là le seul critère désormais pris en compte, on n’est
pas rendus !